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Conte interdit
Entre deux tempêtes audiovisuelles, ces derniers temps, il me plait de revenir, la tête bouillonnante, à ce qui fait vibrer nos fibres intimes quand nous retrouvons l’enceinte dans laquelle nous sous sommes aménagés un coin de ciel bleu.
Entre la bougie qui vacille au passage d’une présence invisible et le drap sans pli qui attend de servir, je me reprends à penser à ce qui, dans la vie d’un homme, lui offre la certitude qu’il respire l’espoir de voir son existence, à la fois riche, belle et enivrante. Nous avons tendance, grâce ou à cause, de notre mémoire sélective, à vouloir effacer la trace des instants douloureux que la griffe brûlante du mal vadrouillant entre les ombres que nous côtoyons, a laissée. L’espace ainsi libéré est envahi par ces brumes légères, à peine transparentes, que laisse le passage de l’ange envoyé par le destin.
Parfois, à l’insu des prévisions les plus optimistes, l’insaisissable créature arrive comme une envolée de colombes, comme la clarté qui annonce l’aube, comme le doux parfum de ce que nous appelons, dans nos jardins misérables, le musc de la nuit. Un parfum subtil qui désigne les grappes de fleurs à peine visibles.
Soudaine présence dans l’ambiance doucement éclairée qui enveloppe la bougie craintive. Au début, l’œil hagard ne voit que les contours courbes des rondeurs rêvées, souhaitées et attendues puis le mouvement sensuel donne vie au corps qui danse au lieu de marcher.
La jambe pleine coupe le silence de la chambre comme un sabre brillant. Le galbe du genou insolent, ente le mollet en poisson et la cuisse pleine, semble narguer, ma bouche ouverte d’admiration. Mon esprit se prosterne devant le ventre qui respire à chaque geste, à chaque mouvement. Mon doigt hésite entre le nombril frétillant et le bouton dur du sein impatient: Lacets à dénouer, friandise légère, savoureuse et délicieuse quand le bout de ma langue, précède mes lèvres pour aller écrire des « je t’aime » sur le corps offert.
Mon visage s’étourdit entre les fruits fermes qui parlent à mes yeux sans émettre un son. L’épaule offerte aux cascades de baisers me montre les lèvres humides et mon âme se transforme en vapeur légère pour aller courir le long du fleuve de la chevelure. Je me noie dans le regard ardent qui m’indique le chemin des contrées berbères qui s’étendent au pied des arganiers. Je perds le contrôle de mes mains quand elles décident d’aller s’étendre et se détendre dans le creux de la chute de reins. Là, je reste longtemps à vérifier, ce que ma grand mère appelait, le creuset où réside la beauté quand la femme attire le regard. Et de là, je remonte à regret, les rondeurs fermes qui rythment le pas, dans la rue éblouie par la démarche.
Féminine, sensuelle dans sa discrétion, attirante par le jeu des hanches qui se battent pour apparaitre. Démarche en pas de danse qui débute au talon aigu pour remonter la prestance de la femme qui se sent regardée. Femme dans son silence qui trouble l’air confiné de mes poumons quand dans un élan volontaire, les corps se rapprochent, se touchent et se confondent.
Pénétrant la chaleur de l’intimité offerte, mon corps s’oublie et se meurt, entre le ressac des reins qui laboure et la terre tendre qui reçoit le soc inlassable. Le plaisir se dresse comme une saillie arrogante quand le désir livre ses derniers spasmes et la femme déploie ses ailes invisibles et s’envole avec grâce entraînant avec elle toute ma conscience du réel.
Le vol dure, le temps d’une éclosion de rose. Elle s’en va dans sa sublime prestance, encore plus belle et moi, je m’écrase à ses pieds, le corps repu, brisé et incapable.
C’est le matin du coq qui appelle au réveil, qui ramène à mon corps, le mouvement qui dérange. Mes yeux s’habituent au regard et découvre le sein à peine caché par le satin des draps, témoins de notre bataille. Aucun mouvement ne brise le spectacle du corps de nymphe rassasiée qui dort encore dans les bras du plaisir des amants. Je me mets, doucement sur le coude pour devenir homme, seigneur de tant de trésors en même leur esclave, découverts un instant, consommés un moment et perdus à cause de mon aveuglement volontaire.
Ma main dessine les contours, s’arrête sur le sein innocent, reprend son parcourt interminable, enferme la hanche hospitalière et s’oublie. La chaleur de la caresse légère remue la paupière fine de ma reine endormie. Un sourire éclaire la couche en désordre. Un bras tendre entoure mes épaules fatiguées. La finesse des doigts s’empare de ma nuque tendue vers les lèvres qui respirent l’odeur du réveil, chaude et sensuelle. Les épidermes s’attirent, se sentent et se ressentent. Le baiser profond signe la fin du miracle, le noir des yeux qui se ferment termine la nuit qui s’inscrit sur la page du vécu et l’ajoute aux pages de la mémoire.
Plus tard, quand, dans le vide laissé derrière elle, l’odeur de son passage pansera ma déchirure, à chaque fois qu’elle honorera ma couche et l’air que je respire, mes entrailles se brouillent quand la porte se ferme sur l’image de son dos.
Pendant longtemps, mon esprit essaie de revenir et le rêve persiste à occuper ma conscience des choses. Chaque instant, passé avec elle, s’illustre comme un livre où le dessin étouffe les lignes et rend les mots inutiles et vains !
Pourquoi aimer ?
Certains se posent cette question quand ils découvrent, soit que l’amour ne garantit pas le bonheur, soit qu’on n’a pas assez fait pour le rendre réel. L’amour n’est ni une machination avec laquelle on atteint le nirvana, tout seul, ni un antidote contre les affres de la vie solitaire. Il ne fleurit que s’il boit aux sources discrètes des sincérités réelles et s’épanouit là où se rencontrent les deux souffles qui s’unissent pour écrire » je t’aime ».
Il se fane et dépérit quand l’odeur du doute s’insinue dans ses entrailles. Quand il est traité avec mépris, il se métamorphose et devient des scènes qui se répètent devant les publics qui ne pensent qu’à y croire. On peut ne pas aimer ou aimer mal, toujours est-il qu’il ne s’exhale de lui, ce parfum subtil qui annonce le paradis, que quand il est placé au sommet des ambitions personnelles.
Une musique qui s’écoute avec les deux oreilles, les yeux fermés pour mieux en apercevoir les contours. Un délicieux nectar sur les lèvres pour lesquelles on a banni le temps. Une présence que seuls peuvent sentir, les cœurs qui ne savent pas mentir. Il y a de l’amour quand le doigt s’approche pour relever, délicatement, la mèche qui occulte le regard.
Il y a ceux qui aiment au risque de se voir détruire par excès de confiance et ceux qui n’aiment que par conformité de gout car incapables de combler les failles narcissiques qui marquent leur regard hypocrite.
Abjecte
Se réveiller chaque matin pour aller travailler, revenir, chaque soir, un peu plus diminué et s’enfoncer dans le sommeil. Demain, ta journée sera pareille.
Quel gout aura ta vie quand on déposera dans le dernier espace qu’on t’accorde ? Qu’as-tu fait d’autre, à part, respirer, manger, boire et copuler comme une bête ? Que laisses-tu comme héritage, comme trace de ton passage si tu n’as fais que refaire le même chemin que les autres ? Quelle douleur as-tu ressenti pour arracher un brin de liberté pour être ? C’est la somme des déchirures qui fait qu’un homme existe car marcher sur les nuages imaginaires fait de toi un oiseau incapable de chanter. L’interdit est ce rempart qui enferme ta dignité et de l’être qui se distingue, tu n’es qu’une pâle copie conforme à ce qu’ils veulent que tu sois.
Lève ta tête et ose regarder ce qu’ils font de ton destin. Revendique ta part de la vie qu’ils te distribuent comme une aumône. Nous naissons libres et égaux, le pays nous rend frères et la solidarité veut qu’aucun de nous ne vive sous sa condition d’homme. Un seul pauvre qui dort sur le trottoir et le pays devient une ferme où tu n’es que l’ouvrier qui vit parce que tu leur es utile.
La terre qui nourrit est ce qu’ils appellent la patrie. Si ici, ta nourriture est maigre ou rare, il vaut mieux aller ailleurs car ton pays n’est plus ta patrie.
Quelle différence entre les chaînes de l’esclaves et celles, invisibles, que tu portes sans le savoir ?
Lui il sait qu’il appartient à un autre et toi, tu ne sais même pas qui est ton maître !
Cœur trompé
Le cœur hésite, trébuche avec,
derrière lui, les mains jointes
comme pour une prière vaine,
A-t-il trop ou mal aimé ?
Ses baisers étaient si profonds
que les lèvres étaient brûlantes,
avec le vertige pour condiment.
A-t-il vraiment aimé, Ce cœur
victime de son inconscience
quand il a banni le mensonge
du verbe qu’il voulait propre ?
A-t-il bien fait de s’oublier
dans l’océan de feu, la nuit,
qu’ils traversaient ensemble ?
A-t-il manqué de courage
quand, dans les bavardages,
il ne parlait que d’amour ?
A-t-il hésité à réduire l’horizon
au seul regard qui le rassure ?
A-t-il été inconscient de croire
que son seul sourire suffit
à colorer le ciel en printemps ?
Qu’a-t-il pensé en se réveillant
dans la moiteur nauséabonde
des indignes comportements ?
Quel gâchis, l’amour incompris
ou cette gratuite arrogance
qui infecte le frémissement
des lèvres quand le je t’aime
encense l’air et l’atmosphère !
Quelle intense douleur quand
le regard se pose, innocent,
sur les épines qui se cachent
sous les pensées coupables
que Narcisse cultive à l’ombre
des comportements indignes.
Le cœur a mal et balance
entre le doute et la colère
quand le prénom responsable
essaie de rejouer le même tour,
avec les mêmes couleurs,
unique grimace du mensonge,
horrible torture de l’innocence
et temps perdu, gaspillé
pour une illusion construite
comme un mirage qui s’évapore
quand vient l’heure de la vérité !
Ne dit-on pas que la vipère
devient plus venimeuse quand
elle s’enduit la langue avec du miel ?
La mort du poète
Quand je t’ai retrouvé, tu n’étais plus toi-même. Quelque chose a changé en toi. Un peu comme si des fibres se sont brisées. Tu n’as plus cet air, à la fois, heureux et jovial. Aujourd’hui, il semblerait que tu t’es construit une carapace derrière laquelle tu te caches ou tu te réfugies. j’avais compris que le mensonge et la mauvaise foi ont fini par détruire, en toi, cet altruisme qui te distinguait. Tu es devenu une ruine qui attend dans le silence de l’oubli. Comme ces empires qui, après le faste et la fortune, ont périclité jusqu’à devenir poussière.
Tu m’as dis qu’il ne sert à rien de vouloir changer les êtres et les choses, quand leur côté obscur finit toujours par resurgir et triompher mais, que t’importe le sort de ces âmes perdues dans les méandres de la cupidité et l’égoïsme ? Ta fortune est en toi comme une lumière qui éclaire les autres. Tu sais donner un sens au rire pour faire sécher les larmes et ta présence est pour plusieurs, le salut et l’espoir.
Tu m’as dis que tu ne comprenais pas pourquoi certains dépensaient tant d’énergie pour ce qui leur est offert gratuitement. Tu n’as pas compris que leur orgueil leur interdit de te devenir redevables même quand, pour toi, le geste était d’amitié. Ton seul défaut est de ne rien exiger en échange de la confiance que tu accordes sans te poser de question. Ne vois-tu pas qu’il est tentant de prendre ta confiance pour une reconnaissance de qualités qu’ils n’ont pas ?
Aujourd’hui, tu te condamnes à démissionner de la vie. Désabusé, peut être. Déçu, sûrement mais que trouves-tu dans le silence de ton exil volontaire ?
Je sais, je me rappelle que tu m’as toujours dis que l’homme véritable est celui qui trouve compagnie suffisante en lui-même mais n’est-il pas égoïste de priver la vie de quelques lueurs d’espoir car, à te voir renoncer, tu sembles confirmer que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Si tu crois te punir en te retirant, tu te trompes. Tu sanctionnes ces aveugles qui, grâce à toi, ont appris à regarder et voir. Un peu comme s’il manquait une pincée de sel au repas le plus raffiné. Tu n’es rien, au fond mais tu as su te rendre indispensable et c’est là, la qualité que j’aimerai voir revenir.
Relève-toi car ta défaite ou ton renoncement, c’est le triomphe de la mauvaise foi et de l’apparence. Avec toi, au moins, nous voyions la couleur des fleurs et le parfum des baisers. Avec des mots simples de braves gens, tu as fais chanter les hirondelles et les rossignols et grâce à toi, nous nous sommes aperçus que chacun de nous était beau à sa manière !
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