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Adultère
Alerté par sa voix au téléphone, je suis parti la voir et la femme que j’ai trouvée avait décidé de devenir une épave. Les cheveux de soie qui cadrait son visage étaient emprisonnés dans un foulard aux couleurs ternes. Ses yeux racontaient toute la misère humaine, jusqu’à sa voix, jadis douce, aujourd’hui, abonnée au grave ! Que se passe-t-il dans la tête d’une femme quand elle découvre qu’elle n’est pas indispensable ? Bien qu’elle ne voulut point parler, les sanglots qu’elle retenait parlaient pour elle, décrivait la douleur qui la rongeait de l’intérieur. A la voir, ainsi brisée, je ne pus croire qu’une simple dispute puisse faire autant de dégâts dans les âmes humaines. Elle revint de la cuisine, posa le plateau avec le café fumant et s’installa dans le transat. Les lunettes noires indiquaient plus sa détresse qu’elles ne la cachaient. Elle, une amie et lui un ami, formaient un couple fusionnel que je désignais par tourtereaux tellement leur complicité donnait envie ! Nous sommes restés silencieux et j’occupais mon temps à siroter mon café. J’attendais qu’elle le veuille pour lui demander des explications.
Au moment où, me rendant compte que je ne servais à rien, je me levai, elle se retourna et prenant une lettre sur la table, elle me la tendit et replongea dans son silence. C’était une enveloppe vierge, sans destinataire. A l’intérieur une feuille pliée en deux. Pourquoi mon cœur battait-il la chamade ? Qu’allais-je découvrir ? Je vis la feuille trembler, je l’ouvris.
Une écriture que je reconnus, celle de son mari. Son prénom, tout cru puis un texte écrit par une main sûre et décidée. Aucune faute, aucune rature et la première phrase, comme un verdict de peine de mort, comme une sentence: deux mots, durs comme un coup de sabre tranchant, « Je sais ». Il continua par décrire comment puis passa au depuis quand il s’en était rendu compte pour enfin comprendre, écrit-il, qu’il ne servait à rien de continuer à se mentir. L’adieu était bref mais solennel. Je fermai la feuille et restai songeur.
Que faire ? Que dire ? Je regardais la femme, l’air ailleurs et voulus aller vers elle mais je me retins. Avais-je le droit de juger ? Qui suis-je et que suis-je pour elle, pour lui, pour penser recoudre une blessure véritable ? D’abord, me dis-je, qui était coupable et de quoi ? Quand un bateau s’enfonce dans l’océan, c’est qu’on n’a pas pris la peine de colmater les brèches. L’amour est un phare qu’il faut maintenir allumé. Une seule nuit sans lumière et c’est le naufrage sur les écueils de l’inattention.
Je posai la feuille et son enveloppe sur la table et sans faire le moindre bruit, je quittai la véranda silencieuse. Une tristesse immense submergeait mes pensées.
Ce qui m’étonnait, ce n’était ni la douleur de la femme, ni la déception de l’homme mais la fragilité de l’amour !
Éclaircissement
- Le silence étonne car on ne le voit que de l’angle qui rend l’autre coupable mais quand on a appris à me connaitre, on sait que le silence est une posture qui m’évite les blessures indignes. Mon silence me sauve, avec élégance, des situations que je sais périlleuses pour les cœurs qui n’ont pas su voir toute ma volonté à ne point blesser pour me défendre.
Mon silence est un refuge où je vais crier mes colères, sans émettre le moindre son, sans que personne ne m’entende car je peux me tromper, comme je peux avoir raison et dans les deux cas, quelqu’un va souffrir.
Le silence évite ces éclaboussures qui jaillissent des malentendus et plutôt que de chercher à dire ce que l’on peut regretter plus tard, se taire est un acte sain qui attend d’être reconnu comme la meilleure des attitudes.
N’ayant aucun droit sur l’autre et sa manière de voir ou de penser, je me tais et garde le silence pour éviter de lui détruire ses illusions; Comme on a le droit de choisir au risque de se tromper, nul n’a le droit de nous en détourner. Le silence sert à respecter l’autre même quand il se trompe.
- Je n’ai jamais réussi à expliquer pourquoi j’évite de me prendre en photo. Peut être que c’est le photographe qui sait ce que l’image véhicule comme informations, peut être, aussi, est-ce cette volonté d’éviter le narcissisme ou le nombrilisme ou peut être que c’est une manière de faire taire mon ego ou par pudeur… Je ne sais.
Toujours est-il que j’ai été étonné par l’accueil et mettre un visage sur celui qui écrit, en mon âme et conscience, ce n’est point important quand c’est l’art du verbe et celui de l’image qui importent. A l’inverse de la boîte de conserve de petit pois qui a perdu son étiquette, c’est le sens à donner aux mots que je réussis à aligner qui doit tenir le haut du pavé et importer.
« M’aimerais-tu beaucoup moins si j’étais un autre » dira Paul Géraldy et, qu’importe l’enveloppe charnelle quand c’est ce que l’esprit arrive à créer qui doit primer.
En tout cas, si l’image a permit à certains de mieux me comprendre, tant mieux sauf que je ne suis pas du genre à me mettre en avant au lieu de ce que je veux créer: ce plaisir de partager mes élucubrations et susciter le rêve, l’éveil ou la révolte.
Il faut avouer que c’est le même étonnement que j’ai ressenti quand on m’a qualifié de poète, la première fois. Pour l’image, ce ne sont que des pixels et pour les textes, ce ne sont que des mots. L’essentiel est, bien, ce qu’il y a derrière: ces valeurs qui élèvent pour nous emmener vers plus de dignité, de respect et de concorde, vers l’humain, abstraction faite de ses origines, sa fortune ou sa religion.
En tout cas, merci.