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Ma solitude
A ma naissance surement, elle m’attendait, un peu à l’écart des femmes qui prenaient la main de ma mère. Plus tard, enfant, quand l’école, pour moi, était une fête foraine, elle semblait m’observer de loin sans se faire remarquer. Je grandissais, doucement, dans le silence des bandes dessinées et c’est là que je m’aperçus qu’elle était là. Par dessus mon épaule, elle me murmurait les mots, trop difficiles pour moi. Nous feuilletions le dictionnaire à la recherche de l’univers d’un mot. Du collège au lycée, elle me soufflait les vannes qui indisposaient certains et me suggérait des expressions alambiquées pour épater la galerie. Pour la fac, elle était ma colocataire dans cette garçonnière de vingt mètres. Elle me tenait, si bien, compagnie que je ne m’ennuyais jamais. Elle aimait la Soul music et, pendant des heures, nous nous laissions aller à ignorer le temps jusqu’à confondre le jour et la nuit. Je grandissais et elle grandissait avec moi. Plusieurs fois, quand je revenais à la maison, quand ma mère pour m’accueillir, servait le thé et les petits fours, elle me soufflait à l’oreille : « Maman t’a encore oublié ! » Je comprenais qu’à force de vivre loin de la famille, on s’était déshabituée de ma présence. Je ne comptais pas sauf peut être quand le bulletin scolaire arrivait, on se rappelait, l’air maussade, de mon existence.
C’est ainsi, qu’en moi, vivait une entité, à la fois espiègle et rafraîchissante. Elle s’insinuait entre mes pensées les plus secrètes pour corriger mes écarts, se faisait petite quand j’étais en conversation et caressait mes paupières quand le tracas ou le souci me harcelaient. Nous avions, elle et moi, appris à nous tenir la main pour devenir forts et heureux. Devant l’amour et sa panoplie de joies et de chagrins, elle s’écartait, un peu, jusqu’à disparaître et attendait que la douleur, quand elle venait déranger mon équilibre, pour s’approcher de moi, sur la pointe des pieds. Le jour ou la nuit, elle se mettait à réciter Musset ou Lamartine, pour rendre léger mon désarroi. « Ne grandit que celui qui a, vraiment, souffert » me chantonnait-elle, à l’abri des larmes qui se retenaient sur le bord de mes cils brûlés.
Aujourd’hui encore, c’est avec elle, que je tisse mieux mes pensées et, sans se retenir, elle lit, pour moi, à voix haute, les textes qui hantent mes rêves. C’est avec elle que je deviens poète, un peu pour elle, que j’aime à sourire quand mes mots bouleversent, égaient ou suggèrent. Dans le silence de ce qu’ils appellent la gloire, elle applaudit, sans faire de bruit, aux commentaires qui encensent nos délires.
Prose partisane
Oui, je sais. Ma « marocanité », parfois, transpire et prends mes compères aux narines comme le gout des amitiés qui durent. C’est, parfois, un chant qui surprend l’étranger perdu dans sa quête des exotismes mais c’est surtout ce devoir de dire toute la beauté d’une nationalité. Je me surprends à me croire plus profond que l’identité que je porte en bannière mais, c’est à mes yeux, ce peu que je peux faire pour rendre grâce à l’air que je respire et qui a fait de moi, ce que je suis, pour moi-même et pour les autres. Si chaque génie interprète, avec fougue et courage, ce qui rassemble plusieurs sur un seul territoire, la nuit, nul besoin de lumière, nos rues s’éclaireront avec des sourires.
Comme tous les pays du monde, le mien est un corps, parfois malade, parfois fatigué mais toujours debout avec l’anecdote pour langage. Des fois, la colère brouille mon regard mais le spectacle des attitudes empruntées de ceux et celles qui s’essaient à vouloir nous voir, vivant habillés autrement, reste une insulte insupportable au geste libre de mon grand père.
Oui, la misère m’est insupportable et l’ignorance fait tourner mon sang comme un lait oublié à la poussière et si je veux le meilleur des destins aux enfants qui font vivre nos rues, je crierai, même à ceux qui ne veulent pas m’entendre, toute ma haine à ceux qui tentent de corrompre notre joie d’être, simplement, marocains !
Quand les uns oublient leur devoir de vivre ensemble et détournent nos efforts pour s’entendre vivre et quand les autres veulent nous réapprendre à comment être, au fond de ma tête, se rebiffent les instincts de défense et de révolte. Je deviens l’abonné aux mots qui dérangent leur quiétude et n’ai de cesse que quand ils se rappellent que c’est à mon pays qu’ils doivent leur arrogance.
Lettre à un ami
L’erreur interdite
Avant le baiser qui transforme la vie en éternel printemps, avant le contact des mains qui se serrent pour la première fois et avant le vertige des chaleurs nocturnes avec lesquelles s’écrit la volupté du corps offert, il y a le rêve dont les prémices jaillissent avant même de savoir marcher. Chacun de nous se fabrique la vie qui sied à ses désirs, ses envies, ses peurs et ses angoisses. De la couleur de la chemise qu’on préfère, à l’odeur qui a bouleversé, en nous, l’ange inconnu qui soutient notre être et qui semble glaner ça et là, les bribes qui serviront de tuiles pour se fabriquer un horizon. Avant de franchir la frontière invisible qui sépare le rêve de la réalité, l’esprit navigue dans les ruelles sombres du village qui nous a vu naître à la recherche, pour l’un, du réceptacle qui accueillerait sans déborder tout cet univers qui grouille de questions incomplètes et de réponses insuffisantes, pour l’autre, de la main qui rassure avant de faire le premier pas sur le fil d’acier du funambule qui veut défier le vertige du gouffre devant lui. Dans les deux cas, c’est la promesse faite d’une loyauté inébranlable, d’une fidélité indiscutable et d’une franchise incommensurable. Aucun temple construit avec des briques creuses ne résiste au travail du temps. Tôt ou tard, l’édifice finit par s’effondrer, victime de sa propre grandeur. Une légère fissure dans une brique, même invisible à l’œil, finit par s’agrandir en laissant l’eau s’infiltrer pour aller fragiliser sa structure. Le moindre mensonge, aussi anodin serait-il, devient une moisissure qui ronge, lentement, l’argile qui constitue l’essentiel dans une relation. On ment pour ne pas déplaire et on finit par s’y habituer au point d’en faire un stratagème pour s’éviter l’effort de rester fidèle à ses engagements.
S’aimer est une faiblesse que s’accorde le cœur pour s’écouter battre. Il suffit que l’un ou l’autre oublie le respect au rêve fait ensemble pour que la douleur s’installe. Abus de faiblesse et abus de confiance deviennent les crimes à ne jamais commettre quand le climat qu’on a instauré est essentiellement fait de confiance.