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L’échec d’une génération
Ils ont cru que je parlais d'eux comme s'il y avait quelque chose de valable à dire.
Ma dernière intervention a soulevé, sans le vouloir, le voile sur une autre hypocrisie autour du fond incompris de ce que je défendais face à ces étrangers qui viennent cracher leur venin sur le pays, son image et son cheminement dans le concert des nations. L’hypocrisie de ces hordes qui jouent les progressistes et les intellos comme dans un salon, autour d’une table avec liqueurs et amuse-gueules est presque indécente. La critique est facile quand ils sont à l’aise dans leur confort individuel mais dès qu’il s’agit de se demander ce qu’ils ont fait pour le pays, eux que leurs parents ont bien éduqués, ils découvrent l’horreur de leur lâcheté quand ils se rendent compte qu’ils sont de la génération qui n’a pas su améliorer l’école, qui l’ont laissée partir dans les bras de l’indigence et de la précarité. Ils veulent ignorer que c’est bien notre génération qui a laissé le wahhabisme les séduire et l’obscurantisme, les endormir. Ils ne s’offusquent même plus quand ils découvrent qu’il faut casquer pour être soignés quand, du temps de leurs pères, les médecins étaient encore humains avant de devenir, avec eux, des businessmen avides de gloire et d’argent. C’est bien notre génération qui ne sait même plus protéger ses enfants et c’est bien elle qui a cédé devant les directives reçues d’ailleurs qui ont transformé leurs femmes en ombres serviles et soumises.
A lire leurs réactions, cela me rappelle ces sourires jaunes de ceux qui ont peur et qui pour se donner une contenance, se lancent dans un discours emprunté aux hommes libres qui ont vécu. La métamorphose est si nette que l’on se demande comment ont-ils fait pour se laisser berner à ce point quand hier, nos parents ont affronté l’oppression et la torture pour que nous soyons libres ?
Plus vite que leur ombre, ils dégainent pour tout mettre sur le dos d’une entité dont ils sont incapables de donner l’adresse. Ils prétextent une corruption dont ils usent et abusent pour gagner quelques heures et si au volant de leurs berlines, vous vous demandez pourquoi ils n’ont plus le sens du respect, vous découvrez que derrière la centaine de chevaux sous le capot, il y a une face de bigot qui ne sait même pas pourquoi il roule plus vite que les autres.
Ont-ils compris ce que je voulais dire quand je regardais ce qui reste encore de cette fierté d’hier quand le spirituel rejoignait le folklore pour créer de nouvelles couleurs ? Quelle musique écouter aujourd’hui pour nous bercer des vicissitudes de nos quotidiens à qui manque le sel de l’effort ? A quel théâtre assister quand l’imagination, aujourd’hui, s’est engouffrée dans les textes manipulés pour tromper au lieu de dégager l’odeur des transpirations qui fait les grandes œuvres ? Que dire quand leurs adolescentes s’égosillent devant l’ambassade du pays qui a arrêté pour viol leurs chanteur préféré ?
Quand on me rappelle que « ça, c’était avant » comme dans la pub, je me tais pour ne pas dire que nous en sommes responsables car c’est bien nous qui préparons le futur pour la prochaine génération. A voir comment nous avons dilapidé les valeurs du passé, j’ai un peu honte de notre lâcheté à ne pas savoir comment, au moins pour nos enfants, préparer le meilleur.
Ils ont cru que je parlais d’eux comme s’il y avait quelque chose de valable à dire. Ils ont oublié qu’on a réquisitionné, leurs rues pour les prières inutiles du vendredi, leurs plages pour interdire aux corps de bronzer et leurs cervelles pour réfléchir. Derrière des sourires narquois, ils ont écarquillé les yeux devant la beauté qu’ils ne savent même plus voir mais qu’ils sont prêts à en décrire les contours sans vraiment savoir d’où peut elle venir. Nous n’avons plus ni talents pour nous éblouir, ni lumières pour nous guider et quand le dernier dinosaure de l’intégrité noble et réelle est parti, il n’a laissé qu’un boulevard qui mène aux grottes d’Hercule, sans lampadaires.
Quand je lis les propos acides et acerbes qui visent le chef de l’état, pourquoi ai-je ce sentiment que quelqu’un est entré par effraction dans l’intimité des marocains ? Dans notre quête du meilleur vivre ensemble, nous nous obligeons à tordre le cou aux tabous les plus résistants mais dès qu’il s’agit du Roi, le marocain redevient marocain et se retrouve dans cette attitude de respect et de tendresse qui lie l’enfant à son grand père allant jusqu’à se précipiter pour témoigner respect et amour.
Faut-il expliquer à tous ceux qui, derrière des slogans qui sonnent révolution cubaine ou décortication malthusienne, nous interpellent sur notre relation avec l’autorité suprême qui, pourtant n’a jamais été élue, que notre manière de nous accepter ne vient ni des manuels écrits par des assemblées constituantes, ni par des gourous éclairés et éclairants. Comme le croquis du patron du Caftan indémodable ou les arabesques étonnantes tracées au henné, le secret nous est parvenu à travers les âges. Il n’est ni écrit, ni verbal, il est fait du silence, paupières baissées, de la jeune vierge qui s’accommode au mariage. Nous ne sommes ni un peuple qui gesticule pour apparaître, ni une communauté qui s’inspire des engrenages d’une horloge réglée par des lois. Nous vivons, il faut le dire, avec un instinct de famille jusque dans les douleurs qui viennent remplir l’absence de ceux que nous perdons.
Je n’oublierai jamais, quand j’ai perdu ma mère, quand les voisins se sont chargés, de force, de tout ce qui n’est ni formalités administratives, ni logistique pour accueillir et nourrir les visiteurs. Pendant plus de vingt quatre heures, je n’avais que ma détresse personnelle. Où trouve-t-on ces agissements spontanés et volontaires quand rien ne force personne à rien dans le deuil ?
Je trouve obscènes les propos de ceux qui, au nom de ce qu’ils ne veulent pas voir autour d’eux, chez eux, viennent, sans honte, réveiller le pauvre homme qui dort sur des siècles de traditions.
Insolente posture que celle de celui qui pour se donner une raison d’exister, trouve audacieux de venir, nous expliquer à nous, marocains, comment doivent vivre les marocains !
Comprendront-ils, les pique-assiettes de la pensée, qu’il y a des souverainetés inexplicables, des modes de vie étranges ou admirables ? Quand le Dalai lama accepte que ses sujets vivent d’aumône et de charité, préfèrent-il la misère au lieu du travail ou n’est-ce pas un choix d’humilité pour s’éviter les affres des fortunes qui écrasent l’individu ? Chaque peuple s’accommode avec l’héritage de son passé et si cela a fonctionné pendant des siècles, qui sont-ils et qui suis-je pour me prétendre meilleur à mes ancêtres ?
Il y a dans le mode de vie de ce pays tous les ingrédients d’une famille. Du despotisme du père quand les frontières sont menacées aux espiègleries du benjamin qui ne s’autorise que ce qui lui évite d’être sanctionné. Il y a, aussi, le cancre qui amuse la galerie et la sœur qui s’essaie aux secrets des la séduction ou le neveu qui choisit, en sourdine, la grande part…
En somme, nous sommes une famille, une grande famille avec tous ses défauts et ses qualités ! C’est tout.
Nourredine217 posts
Ce qui a, vraiment, un sens dans l'Art, c'est la joie. Vous n'avez pas besoin de comprendre. Ce que vous voyez vous rend heureux. Tout est là ! (Brancùsi)
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