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Cassandre, ivresse d’écrire
Le matin apporte le son de sa voix
je me réveille, la joue sur son oreiller
Il n’y a pas de miracle, ni stratagème
il y a, simplement, le choix indiscutable
d’aimer tout dans l’univers qu’elle invente
C’est la chaleur de son corps, la nuit,
qui donne à mon corps l’envie de vivre
juste pour elle, juste avec elle
comme dans le rêve de Cassandre
qui s’avéra vrai à la prise de Troie.
« Le travail prophétique,
qui est un fardeau de souffrance,
me fait tournoyer sur moi-même ».
dira-t-elle après sa crise douloureuse
Je fermai le livre, lourd comme un bloc
et, mes yeux fixèrent l’horizon lointain
pour l’imaginer danser de bonheur
quand mon regard réchauffa sa poitrine.
Elle savait, pour moi, se faire belle
et usait, à chaque fois, d’un charme
qu’elle savait capable d’ébranler
ce calme, qu’avec l’âge, j’avais dompté.
Hier, c’était une parcelle de jambe
qui effleura ma douce tranquilité,
aujourd’hui, la chute des reins,
dérangea cette douce volupté
qui accompagne mon réveil.
Demain, un peu plus, m’étonnera.
Je suis ainsi, son miroir vivant,
lui décrivant avec grâce et précision
l’état de la beauté qu’elle fabrique
pour m’éblouir ou pour m’endormir
parfois aveuglé, les yeux hagards
je reste inconscient du reste du monde
me contentant d’être là, pour elle,
des fois, sur la cuisse généreuse,
sa main comptant les cheveux
pour me raconter la joie d’être
un enchantement quotidien, pour elle.
Je m’endors comme un enfant
respirant le parfum qu’elle dégage
comme une fleur que l’insecte a visitée.
L’inanité de l’amour d’Oenone
quand l’oracle expliqua la traîtrise
mon regard tomba sur ces mots
« Rends-moi mon aveuglement ;
rends-moi le bonheur de l’ignorance »
aurai-je supplié, ainsi, Dieu Eros
pour lui quémander la joie
que ne connaissent que ceux
dont le cœur, sans amour, est resté libre.
Eschyle ou Euripide, dans ce livre
restèrent muets ne sachant que dire
de l’amour qui sublime les existences.
Je fermai le livre titré Orestie
et vais rejoindre ma Cassandre.
Document
Grand père
« La vie d’un homme ne se compte pas au nombre de biens qu’il a accumulés mais à la qualité de ce qu’il a laissé » me dit ce vieux bonhomme au crépuscule de sa vie. Il saisit son couteau « boudal3a » (Couteau traditionnel), rapprocha sa planche et déballa son « kif » (Chanvre indien) qu’il prit soin de décortiquer en ne retenant que les feuilles. Il en fit un tas, sortit une feuille de tabac, la plia plusieurs fois avant de l’ajouter aux feuilles. Il s’immobilisa un instant et me fixa pour ajouter: « Le rôle d’un père est double, il y a le rôle du père et il y a celui du mari ». Il fixa son pouce et son index sur le tas de feuilles et se mit à couper finement.
« Le rôle du père, dit-il, est de tout faire pour que son enfant ne manque jamais de rien. Il ne s’agit pas, seulement, de le nourrir et de l’habiller mais de tout lui procurer pour qu’il s’épanouisse. Il n’y a qu’une exigence que l’enfant doit respecter, c’est d’étudier. A quoi sert qu’un enfant devienne un homme s’il n’a pas un cerveau bien rempli ? »
Je fixai le geste régulier qui coupait finement et restai surpris quant à ce rituel que chaque soir, il pratiquait. Sa manière d’étaler le tas de feuilles coupées, d’en chercher, je ne sais quelle particule pour l’écarter. Je l’observais et me demandais à quoi pouvait-il penser en se livrant à ce manège régulier et quotidien. Il sortit une tabatière en cuir. L’artisanat marocain avait pensé à tout pour ce vice toléré dans le silence de l’intimité sociale. Ils étaient plusieurs ces vieux filous à se tarabuster les neurones tout en se racontant leurs aventures réelles ou imaginaires. Celles de la guerre d’Indochine dont il ne ramena qu’un couvert estampillé « U.S ». Celle des longs voyages pour aller vendre des poules dans la grande et tumultueuse « Darbeida ». Celles des fêtes organisées par le gouverneur avec Méchoui et chikhates arrosées au vin rouge d’Aït Taleb.
« Il y a le rôle du mari, de l’époux accepté au nom de la sounna du prophète et d’Allah et ça, c’est un engagement d’homme ! » Cria-t-il presque en levant la tête. Il sortit une longue pipe avec un bout en argile, « le sebsi ». L’artisanat marocain s’est penché sur l’outil pour en faire une oeuvre d’art. A la différence de la seringue du toxico à l’héroïne qui peut servir dans le ghetto et l’hôpital, le sebsi, comme une sorte de calumet ne sert qu’à se shooter au kif, pourtant prohibé !
« Le mari, continua-t-il, est, à la fois, une fonction, un rôle et un engagement tout aussi importants que de faire un enfant. Le mari se doit d’assurer à sa femme bonheur, bien être et surtout, tout faire pour que sa féminité devienne une lumière de phare vers laquelle, il se doit de revenir toujours ». La longue pipe entre l’index et le pouce s’enfonça dans la tabatière pour en garnir le fourneau. Il la retira avec l’index pour en retenir la mixture. Il chercha la boîte d’allumettes marquée d’un lion, Celle qui portait le slogan » إنكم باستعمال المواد المغربية, ستشاركون في اقتصاد البلاد » (En utilisant des matériaux marocains, vous participerez à l’économie du pays), Il alluma sa pipe minuscule au bout du long bout de bois et ferma les yeux en aspirant longuement.
Je profitai de cet instant pour m’éclipser. Je culpabilisai, un peu, en étant témoin de ces seuls moments où il semblait ne penser qu’à lui même.
Libertés au féminin pluriel
La liberté est précieuse car on doit se battre pour l’avoir et la garder et quand j’entends qu’untel est venu demander aux femmes en maillot sur la plage de se couvrir, c’est aussi, contre cette ingérence que l’on se bat. Ingérence au nom d’Allah comme si Allah leur a soufflé dans l’oreille ce qu’ils doivent faire ou dire, Ingérence au nom de la pudeur, cette forme dont personne ne peut définir le contour qui se transforme en droit d’agresser. Ingérence au nom de la tradition qui, elle, est une invention humaine pour un contexte donné, un temps donné.
Se battre pour être libre, c’est refuser qu’un étranger vienne juger mes actes, mon apparence ou mon comportement. On se bat pour être libre de jouir de ses droits dans le cadre de la loi.
Sur la plage, dans la rue, il n’y a aucun manuel du parfait citoyen sauf le respect des autres pour préserver ce même respect qui nous est du !
La citoyenneté n’est en fait que ce qui nous aide à vivre ensemble, elle n’impose rien d’autre que l’égalité de tous en droits et devoirs. Il suffit qu’un droit ou qu’un devoir, soit lésé pour qu’elle n’ait plus de sens et le vivre ensemble devient le patrimoine de la jungle.
Quand le cri du fanatisme couvre l’hymne national, le pays devient une ménagerie où le plus fort dévore le plus faible. L’état avec sa splendide autorité garantit à tous le droit de se considérer égal aux autres. Il ne permet à personne de dicter le comportement à avoir tant que ce comportement ne porte pas préjudice à l’ordre public. Entendons-nous bien, dans une société où le droit est instauré, chacun a droit à son espace vital, chacun a ce droit d’y vivre comme il l’entend. Quand une femme dénude une partie de son corps, tant qu’elle respecte ce qui risque de choquer les enfants, elle reste libre dans son envie de se voir comme elle le désire. Entre adultes responsables, nous évitons de croire qu’une femme en maillot manque d’éducation. L’habillement n’est ni un uniforme que l’on doit porter pour être identifié comme citoyen, ni une contingence dictée par l’air du temps, il est un moyen de s’adapter au climat d’abord, à son occupation professionnelle et à son droit de cultiver son image. Comme on ne taquine pas un citoyen devenu hideux avec une barbe agressive ou une femme qui se voile et croit nous éviter d’être ébloui par sa beauté imaginaire, on a aucun droit de juger une femme qui se met en maillot pour profiter du soleil !
Cette ingérence est surtout dirigée contre les femmes comme si la moitié de la population n’avait pas le droit de jouir de ce que la constitution lui assure comme égalité. D’une part, l’élégance veut qu’on n’aborde pas une femme sauf si c’est elle qui le désire et d’autre part, il lui est reconnu le droit au respect beaucoup plus qu’à l’homme de par le rôle qu’elle assure et que son partenaire ne peut même pas imaginer faire.
A bon entendeur, salut !
Que penser ?
On trouva, un jour, un enfant près de quelques traces de sang sur le sol. Les gens commencèrent à se questionner et on comprit que c’était du sang de placenta. En ce temps là, les accouchements se faisaient à la maison, sans autre intervention que les proches et parfois, la femme accouchaient seule. La nouvelle se répandit et on se mit à parcourir les rues. On trouva deux autres traînées de sang. L’agitation de la population provoqua la peur. L’enfant près de la première flaque tremblait. On le pressait de questions auxquelles, il ne savait que répondre jusqu’à ce que son père arriva. On lui demanda d »où venait ce sang ? Il leur apprit que sa femme avait accouché et s’est débarrassé de son placenta que les chiens se hâtèrent de faire disparaître.
– Mais les deux autres ?
– Ma femme a eu des triplés
Une voix derrière la foule se fit entendre: « Vous guettez les femmes jusqu’à ce qu’elles accouchent et vous faites de leur placenta un outil avec lequel vous semez la terreur dans l’esprit des gens. Est-ce cela l’enseignement du prophète ? »
– Et toi, qui es-tu ?
– Al Farabi !
L’histoire traduite, tant bien que mal, illustre ce qui, treize siècles plus tard est venue nous rappeler que la religion quand elle devient politique, finit par flouer les valeurs et installe une mentalité anachronique. Le spectacle de la débandade du souk de moutons à Casa est venu nous rappeler une des causes de la défaite de la bataille d’Ouhoud. A cette époque, les valeurs de l’Islam, à ses débuts, n’étaient pas suffisamment assimilées mais aujourd’hui, avec la pléiade de canaux télé, la multitude de prédicateurs, la floraison de livres sur le sujet, et pourtant…
Que se passe-t-il, alors ? De la même manière que des américains dévalisent les supermarchés quand ils deviennent foule, nos concitoyens, aussi, quand ils sont plusieurs, deviennent incontrôlables. Le facteur commun, c’est une crise de valeurs. Ce que nous appelons » الأخلاق » (Al Akhlak) perdent de leur sens à cause de trois raisons essentielles:
– La première vient de l’école qu’on a laissée entre les mains de n’importe qui, pour faire n’importe quoi en la plaçant sous le contrôle de gens élus qui changent tous les cinq ans. Au lieu d’un enseignement exempt de toute influence, on y a introduit des virus qui favorisent la déperdition, l’hésitation et le flou. L’arabisation d’abord et actuellement l’islamisation n’apportent rien tant pour former le citoyen intègre et respectueux du droit que pour le préparer pour l’avenir et les progrès technologiques.
– La seconde est tributaire de l’influence actuelle que favorisent et soutiennent les disciples de Hassan Al Benna, Ibn Taymiyya ou Mohamed Qotb et autres têtes pensantes du commerce religieux. L’influence est telle que si on pouvait supposer que si nos voisins devenaient daechiens, on se demande si les marocains agiraient en tant que patriotes ou en tant que musulmans. L’idée même du patriotisme s’est diluée pour être remplacée par cette notion de « oumma ». Quand l’ex ministre de la justice ne respecte pas le droit, il illustre, avec arrogance, cette dérive dangereuse de l’état vers l’état satellitaire du grand califat islamique !
– La dernière et la plus importante, c’est notre propre responsabilité dans ce qui se passe. Nous assistons, sans réagir, aux abus, aux injustices, aux excès… Nous côtoyons le voisin gendarme qui siphonne le carburant de la Jeep vers sa voiture, nous jouons au foot avec le riche dealer et nous pardonnons l’arnaque du mécanicien malhonnête etc… Se taire sur une injustice, c’est devenir complice mais comment faire quand le droit est remplacé par le discours préfabriqué du religieux au point que l’on se demande s’il faut obéir à la loi ou remettre la crainte du droit à l’au delà, devant Dieu ? La scène du cambrioleur qui ouvre la caisse, trouve un Coran, y dépose un baiser, le met de côté pour s’emparer des billets, illustre notre nouveau sens des valeurs…
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