C'est libre que je suis meilleur

Instant de vie / Petites pensées / Contresens

le regard qu'on échange devient un tapis confortable pour étouffer le bruit des querelles inutiles.

Jardins du luxembourg

Instant de vie

j’entrai sur la pointe des pieds, je la vis, de dos, occupée à arranger sa vie comme un livre. Sa chevelure tombant sur les épaules, ce dos sublime qui raconte l’ivresse des longues caresses nocturnes. Elle était douce dans sa tranquillité discrète, dans son innocente beauté et si fine, quand elle marche, quand elle bouge avec grâce.
J’étais là, perdu dans ma contemplation et comme prévenue par je ne sais quel ange invisible, exactement au moment où, en m’approchant, son parfum me grisa, elle se retourna et se figea. Les beaux yeux écarquillés, elle semblait ne pas croire ou comme dans un rêve, qu’elle allait se réveiller frissonnant au froid de mon absence. Nos yeux se fixèrent comme pour comprendre, comme pour réaliser que nous étions ensemble, l’un en face de l’autre et, avec une seule envie, se laisser aller dans les bras de l’autre, comme ces retrouvailles avec le soldat qui revient du front avec ce bonheur d’avoir échappé à la mort. Elle prit conscience que j’étais là et que c’était bien réel et fit mine d’avancer vers moi et chuchota:
– Toi ?
– oui, moi répondis-je, ouvrant mes bras, en avançant vers elle. Elle se jeta dans mes bras comme une naufragée s’accrochant à une planche de salut et me serra si fort que je ne pris conscience que de l’odeur de ses cheveux, grisant comme un subtil parfum de femme coquette et belle. Je la serrai dans mes bras et je l’entendis dire à mon cou: « Pourquoi ne m’as-tu pas prévenu que tu allais venir ? »
Ma main caressa son dos et de l’autre, je tins sa nuque en m’écartant pour mieux la voir, mieux la regarder et mieux admirer cette frimousse, si chère et si familière. Sa bouche entrouverte et ses lèvres frémissantes: mon visa pour la volupté quand je l’embrassai si fort que je la sentis faillir, presque perdre pied dans cette salle, témoin de nos retrouvailles. Nos lèvres se décollèrent, le temps d’un long moment pour nous voir et nous fixer puis se collèrent, de nouveau, avec une telle intensité qu’il me semblait qu’elle cherchait en moi, tout ce temps perdu sans moi.
Pendant plusieurs minutes, nous nous appartenions avec une telle certitude que je compris que s’aimer, ainsi, ne pouvait être qu’un rêve qui se réalisait, lentement mais sûrement. Elle était dans mes bras, après avoir hanté mes nuits. Elle était là, collée contre moi et qu’elle fut ma surprise de constater que cela allait au delà de tout ce que je pouvais imaginer dans mon lointain exil volontaire. Le silence de notre amour qui se consumait dans cette fusion des corps et des âmes n’avait d’égal que ma soif de vivre ce qui nous attend dans les heures qui viennent.
Elle s’écarta de moi pour mieux me regarder, je fis semblant de subir son regard alors qu’au fond de moi, elle est telle que je l’ai aimée, à la fois fine et féminine et sans attendre le verdict de son jugement, je mis ma main sur sa taille et l’entraînai vers le canapé pour y prendre place. Nos mains restèrent entremêlées et dans un geste d’infinie tendresse, elle posa sa tête sur mon épaule pour me murmurer: « Chéri, tu m’as manqué atrocement ! »


Petites pensées

Dans la chaleur des nuits partagées, moitié vécues comme un hommage aux courbes pleines et moitié sacrifiées pour le temps qui reste à vivre. L’incendie brûle ce qui reste des minutes perdues à attendre et, dans le brouillard des fougues qui font bouger les corps, on n’est plus seuls et on n’est pas deux. Quand, autour du doigt qui annonce le statut, on fait tourner le serment de vivre ensemble, le regard qu’on échange devient un tapis confortable pour étouffer le bruit des querelles inutiles.
Nous sommes faits pour aimer sinon Dieu s’est fourvoyé en inventant l’humanité. Nous sommes nés pour lutter pour que se construise le rêve qu’on invente pour exister. Touchons la vie comme un sein qui palpite en dispensant la vigueur qui réchauffe, en nous, l’enfant qui veille ou sommeille encore.
Si l’homme porte l’étendard de la dignité d’un couple qui avance, la femme, dans sa douceur indispensable, rafraîchit l’ombre qu’elle prépare comme un autel. Je ne veux rien dire pour prétendre avoir tout compris mais je reste certain qu’on ne construit l’univers qu’avec des mots d’Amour. La haine est un défaut qui transpire des carcasses qui s’acharnent à ne voir que leur nombril !


Du cœur d’une femme sensible
Jaillit le bonheur de l’humanité
Et de la noblesse de son cœur
Naissent leurs sentiments.

Gibran Khalil Gibran.

Contresens

« Le premier baiser est le mot prononcé de concert par quatre lèvres, qui fait du cœur un trône, de l’amour un roi et de la fidélité une couronne » dit Gibran Khalil Gibran et pourtant, cette belle ambiance relève de l’utopie quand on regarde ce malheureux quotidien ! Quand la fidélité est là, elle ne vient pas pour confirmer la stature du roi, encore moins, le cœur transformé en trône. On me dira que le pessimisme a endormi ma joie de vivre mais, il suffira de voir comment les couples se brisent et pourquoi. On se rendra compte que ce noble sentiment est, la plupart du temps, pris comme un paravent qui cache bien des égoïsmes. Jouer aux tourtereaux, tout le monde sait le faire mais quand il s’agira de prêter allégeance au verbe aimer, comme par hasard, le souverain devient individu. Qu’il soit homme ou femme, toute l’attention est porté à ce « moi » exécrable qui piétine toutes les précautions dont doit être entourée cette relation qui relève du céleste et du divin. De l’éducation que nous recevons en tant que mâle, obligatoirement dominant (Rappelons-nous l’expression « koun rajel ») et en tant que femme soumise et résignée, à ces rêves qui en découlent, il n’y a aucune place à l’amour tel que le décrit celui qui a aimé sans jamais voir sa dulcinée.
Malgré une Amitié qui se transforma en AMOUR  » Sublimé « , ils ne se rencontrèrent jamais.
« Chère miss Zyadah, En écrivant un poème sur le sourire du Sphinx, vous m’offrez quelque chose de plus personnel, tandis qu’en écrivant une thèse sur l’histoire de l’art égyptien vous m’orientez vers le général et le purement intellectuel » écrira-t-il et d’ajouter « « Il y a, dans le lointain Orient, une jeune fille qui n’est pas comme les autres jeunes filles, qui est entrée dans le temple avant même d’être née, s’est tenue dans le Saint des Saints, et a fini par connaître le sublime secret gardé par les « géants de l’aube ». Elle a depuis, adopté mon pays comme son pays, et a pris mon peuple pour en faire son peuple. Savez-vous que je murmurais cet hymne à l’oreille de mon imagination chaque fois que je recevais une lettre de vous ? ». Nous sommes, ici et là, au pied de ce bel mot qu’est l’Amour, quand il tisse des liens inextricables entre deux êtres même sans jamais se voir. Nous sommes dans le cœur de l’essence même du terme.
« Et que peut dire le poète d’un sourire de femme ? Léonard de Vinci n’a t-il pas eu le dernier mot sur ce sujet avec Mona Lisa ? » trouverons-nous dans celle longue correspondance entre Gibran et May Ziadhah, journaliste « écrivaine » d’origine Libanaise, installée au Caire, et qui dura de 1912 à la mort de Gibran en 1931.
L’Amour n’est donc pas dans cette relation charnelle plus bestiale qu’intellectuelle et sur laquelle on a bâti des montagnes de pages pour en préciser les limites et les contraintes. Quand Gibran déclare que « ceux qui nous comprennent soumettent en nous quelque chose », elle répondra, presque offusquée: « non ! Je ne veux pas qu’un être humain me comprenne si sa compréhension entraîne mon asservissement spirituel. Bien des gens s’imaginent qu’ils nous comprennent parce qu’ils trouvent dans notre comportement « extérieur » quelque chose qui s’apparente à une expérience qu’ils ont faite une seule fois dans leur vie. Ce n’est pas assez ( pour eux ) de prétendre connaître nos secrets – les secrets que dans notre for intérieur nous ne connaissons pas nous-même – ils doivent aussi nous numéroter, nous étiqueter et nous ranger dans un des nombreux compartiments qui renferment leurs pensées et leurs idées, tout comme le pharmacien avec ses potions et ses poudres » ! Au contraire de ceux qui voient dans l’amour et le dévouement qu’il implique, une sorte de soumission calculée pour le bien du couple, May Zyadah, au contraire, revendique ce qui fait la force et la puissance de l’amour, cette liberté qui fait du couple deux êtres qui s’épanouissent, chacun à sa guise et à sa manière.

If you love somebody, let them go, for if they return, they were always yours. If they don't, they never were.

Gibran Khalil Gibran Écrivain libanais


L’amour est plus fort chez ceux qui respectent, pour chacun, ses libertés. A ce stade, on confondra, aisément, amour et foi car non imposables et choisis librement. C’est dans sa liberté que l’amour est plus pur !

Quand je regarde ceux qui s’aiment par égoïsme, par narcissisme et au nom d’un individualisme sauvage, je comprends que certains se contentent du peu qu’on leur accorde. « Je t’aime parce que tu sais m’aimer » dira-t-elle au sourire béat qui attend « sa » friandise, sa part de volupté pour se sentir mâle !


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